À Nantes, les chapelles réinventées : un mariage audacieux entre patrimoine et modernité
Hervé Koffel
SOMMAIRE
- Les reconversions spectaculaires : des espaces qui inspirent
- Espaces de coworking et bureaux
- Lieux de luxe et d’hébergement
- Des projets qui mettent la culture et le savoir à l’honneur
- Écoles et espaces éducatifs
- Projets culturels en devenir
- Une valorisation du patrimoine pour tous
- Des usages insolites et novateurs
- Lieux atypiques et innovants
- Restauration et loisirs
- Un vent de modernité dans des cadres historiques
- Les enjeux et défis techniques de ces changements d’usage
- Conservation et mise en valeur du patrimoine
- Des problèmes structurels et imprévus
- Un dialogue entre passé et futur
- Une tendance qui séduit mais reste exclusive
- Un marché de niche pour une clientèle privilégiée
- Des initiatives plus accessibles
- Une fascination pour l’atypique
- Entre préservation et exclusivité
Depuis quelques décennies, les édifices religieux désaffectés trouvent une nouvelle vie en France. Ces lieux autrefois dédiés au culte se transforment en espaces de travail, logements, restaurants, ou encore lieux culturels. Nantes, ville au riche patrimoine religieux, ne fait pas exception. Ici, des chapelles oubliées reprennent vie grâce à des projets urbains audacieux qui conjuguent respect de l’architecture d’origine et innovation.
De la création d’un espace de coworking dans une chapelle du XIXᵉ siècle à l’installation d’un hôtel de luxe dans un édifice classé, chaque initiative raconte une histoire unique. Ces transformations illustrent un phénomène national tout en apportant une touche de singularité à la cité des Ducs.
À l’heure où le changement d’usage commence à décoller, et où le besoin en logements neufs à Nantes se fait ressentir, tous les angles de développement urbain sont bons à prendre. Retour sur ces reconversions emblématiques, entre préservation du patrimoine et dynamisme urbain.
Les reconversions spectaculaires : des espaces qui inspirent
À Nantes, les chapelles désaffectées deviennent le théâtre de transformations étonnantes, mêlant modernité et respect du passé. Qu’il s’agisse d’espaces de travail innovants ou de lieux de vie prestigieux, chaque projet reflète une volonté de valoriser un patrimoine chargé d’histoire.
Espaces de coworking et bureaux
Au cœur du quartier Mon Désir, la chapelle Marie-Réparatrice, construite en 1860, s’est métamorphosée en 2020 en un espace de coworking sous l’enseigne W’iN Nantes. Avec son architecture majestueuse et ses voûtes restaurées, elle offre un cadre de travail unique aux freelances et startups. L’espace accueille également des événements, des ateliers et des rencontres, consolidant son rôle de hub dynamique pour les professionnels nantais.
Non loin de là, dans le quartier Doulon-Bottière, la chapelle de l’ancienne école Notre-Dame-de-Toutes-Aides a été intégrée au projet immobilier Sixtine, porté par Nantes Métropole Habitat. Si son clocher domine toujours le paysage, l’intérieur a été repensé pour abriter des bureaux modernes tout en préservant des éléments d’origine, tels que ses vitraux et une fresque signée Pierre Bouchaud.
Lieux de luxe et d’hébergement
Certaines chapelles nantaises trouvent une nouvelle vocation dans l’univers du luxe. Le projet City Lodge Collection, niché dans une chapelle du XIXᵉ siècle, en est l’exemple parfait. Située dans le passage Louis-Lévesque, cette chapelle abandonnée depuis des décennies a été transformée en trois appartements cinq étoiles. Chaque détail a été soigneusement pensé, des rosaces restaurées aux vitraux d’origine, offrant un cadre somptueux à une clientèle exigeante.
Autre exemple marquant, l’hôtel de luxe Sozo, installé depuis 2012 dans la chapelle classée Notre-Dame-des-Anges, derrière le Jardin des Plantes. Ce lieu conjugue raffinement et histoire, attirant une clientèle internationale séduite par son atmosphère unique, entre pierre brute et modernité élégante.
Des projets qui mettent la culture et le savoir à l’honneur
Certaines chapelles nantaises, autrefois vouées au silence de la prière, ont retrouvé leur voix dans les domaines de la culture et de l’éducation. Ces lieux, marqués par une architecture inspirante, deviennent des pôles de transmission des savoirs et d’expression artistique.
Écoles et espaces éducatifs
La chapelle des Jésuites, rue Dugommier, offre un exemple emblématique de cette reconversion. Construite au XVIIIᵉ siècle, elle accueille désormais l’école d’art MJM Graphic Design, où des étudiants explorent leur créativité sous des voûtes gothiques et des arcs brisés. Les salles de classe, délimitées par des cloisons transparentes, laissent entrevoir les détails architecturaux originaux, tels que les ornements en pierre et les fenêtres en ogive.
« Les lieux marquent les esprits, l’architecture est inspirante », souligne Mélissa Prévautel, directrice de l’école. Ce cadre atypique séduit aussi les passants, curieux de découvrir cet espace où le passé religieux se mêle au présent artistique.
Projets culturels en devenir
Dans le quartier du Breil, l’ancienne église Saint-Luc attend de connaître son second souffle. Vendue par le diocèse à la Ville en 2022, elle devait devenir une médiathèque et un tiers-lieu culturel. Cependant, des problèmes structurels liés à la toiture et aux fondations ont repoussé les travaux. Si le projet est actuellement en suspens, l’enthousiasme de la municipalité reste intact : Le projet existe toujours, mais il est en stand-by
, explique Cécile Bir, élue du quartier.
Une valorisation du patrimoine pour tous
Ces transformations permettent d’ouvrir les portes de ces lieux historiques à des usages collectifs. Que ce soit par le biais de l’éducation, comme à l’école MJM, ou à travers des projets comme celui de Saint-Luc, ces chapelles réinventées contribuent à faire vivre la culture au cœur des quartiers nantais.
Des usages insolites et novateurs
Certaines chapelles Nantaises trouvent des vocations surprenantes, éloignées de leurs usages traditionnels. Loin des espaces conventionnels, ces lieux se transforment en sites inattendus, reflétant la créativité des porteurs de projets et l’adaptabilité de ce patrimoine unique.
Lieux atypiques et innovants
Dans le quartier Talensac, la chapelle du Martray a accueilli une initiative des plus originales : une champignonnière urbaine. “Le Gaec Le Champignon Urbain” y a produit des pleurotes et shiitakés pendant quatre ans. Bien que le bail ait expiré, cette expérience illustre le potentiel de ces lieux pour des usages écologiques et alimentaires.
Désormais, la chapelle figure parmi les Lieux à Réinventer, programme municipal qui invite les habitants à proposer des idées novatrices pour réutiliser les bâtiments inoccupés.
Autre exemple marquant, la chapelle de la Chantrerie, classée aux Monuments historiques, a été transformée en un bar à étoiles. Ce projet, porté par un collectif d’habitants, propose des activités autour de l’astronomie dans un cadre architectural saisissant. Un mélange de science, de convivialité et de poésie qui redéfinit les fonctions d’un espace religieux désaffecté.
Restauration et loisirs
Le restaurant Les Petits Saints, installé dans les vestiges de l’église Saint-Vincent, combine gastronomie et histoire. À quelques pas, dans le même bâtiment, la célèbre boîte de nuit Le Marlowe, désormais disparue, incarnait dans les années 1980 un autre exemple d’appropriation audacieuse d’un lieu sacré.
Un vent de modernité dans des cadres historiques
Ces projets insolites apportent une touche d’audace à la valorisation du patrimoine nantais. Ils démontrent qu’au-delà des fonctions classiques, ces chapelles peuvent devenir des lieux emblématiques, conciliant originalité et respect de l’histoire.
Les enjeux et défis techniques de ces changements d’usage
Reconvertir une chapelle en un espace moderne est un exercice d’équilibre délicat. Respecter l’histoire et l’architecture tout en répondant aux exigences contemporaines, telles que l’accessibilité ou la durabilité, pose des défis techniques et éthiques considérables.
Conservation et mise en valeur du patrimoine
La préservation des éléments architecturaux emblématiques est souvent au cœur des reconversions. Dans la chapelle du projet Sixtine, par exemple, les vitraux d’origine ont été soigneusement restaurés, tandis qu’une fresque de Pierre Bouchaud a été intégrée dans le design des nouveaux bureaux. De même, dans la chapelle du passage Louis-Lévesque, devenue des appartements de luxe, les rosaces et la charpente d’époque ont été sublimées, conférant au lieu un cachet inimitable.
« Le défi technique m’a passionné, » confie Jérôme Guilbert, porteur du projet City Lodge Collection. Tailleur de pierre et maître-verrier ont collaboré pour reproduire des éléments à l’identique, tandis qu’un ascenseur privatif et des baies vitrées modernes ont été ajoutés pour allier tradition et confort.
Des problèmes structurels et imprévus
À l’église Saint-Luc, les travaux de transformation en médiathèque ont été retardés par des fragilités structurelles, aggravées par des infiltrations d’eau. Il faudra engager des travaux beaucoup plus importants que prévu
, explique Cécile Bir, élue du quartier. Ces imprévus illustrent combien l’état initial des bâtiments peut représenter un défi financier et logistique pour les promoteurs et collectivités.
Adapter des édifices historiques aux normes modernes est une autre priorité. Normes PMR Aménagements pour les personnes à mobilité réduite, isolation thermique, ou encore respect des réglementations environnementales sont autant de contraintes à prendre en compte. Ces ajustements nécessitent des investissements conséquents, mais permettent de pérenniser ces lieux tout en les rendant accessibles au plus grand nombre.
Un dialogue entre passé et futur
Chaque reconversion est une négociation entre les contraintes du bâti ancien et les attentes contemporaines. Ces défis, bien que nombreux, font partie intégrante de la magie des projets. En respectant le caractère sacré de ces lieux tout en leur offrant une nouvelle vie, Nantes montre la voie vers une valorisation durable et innovante de son patrimoine religieux.
Une tendance qui séduit mais reste exclusive
Les reconversions de chapelles à Nantes suscitent un engouement croissant, mais elles restent souvent réservées à des usages haut de gamme ou des projets ambitieux. Si elles valorisent le patrimoine, elles soulèvent aussi des questions sur leur accessibilité et leur place dans la société.
Un marché de niche pour une clientèle privilégiée
Les chapelles transformées en appartements ou hôtels de luxe illustrent une tendance à l’exclusivité. Le projet City Lodge Collection, par exemple, propose des séjours dans des appartements cinq étoiles, dont les prix peuvent atteindre 1 500 € la nuit. Ce positionnement haut de gamme s’adresse à une clientèle spécifique, séduite par l’unicité et l’histoire des lieux.
De même, les logements de la chapelle des Jésuites, rue Dugommier, ou ceux de la chapelle du passage Louis-Lévesque se destinent à des acquéreurs aisés. « On est dans le très haut de gamme, face à des gens qui aiment le décalé et recherchent un lieu très marqué architecturalement, » explique Laurent Surie, directeur de l’agence Espaces Atypiques.
Des initiatives plus accessibles
Cependant, certaines reconversions s’efforcent de répondre à des besoins plus larges. Le projet Sixtine, dans le quartier Doulon-Bottière, intègre 34 logements sociaux sur les 58 proposés, avec des loyers accessibles à partir de 374 € pour un T3. Ces logements s’inscrivent dans une volonté de rendre ces lieux historiques disponibles pour des habitants locaux, tout en revitalisant le quartier.
Dans le domaine des services, l’espace de coworking W’iN Nantes offre des tarifs compétitifs (20 € par jour ou 195 € par mois) pour permettre à des travailleurs indépendants d’accéder à un cadre de travail unique.
Une fascination pour l’atypique
Ces réhabilitations témoignent d’une fascination pour les lieux chargés d’histoire, à la fois uniques et intemporels. Pour David Bouclet, de l’agence Privilèges Immobilier, « Personne ne nous appelle en demandant un appartement dans une chapelle, mais il y a une vraie demande pour des lieux atypiques. »
Entre préservation et exclusivité
Si les chapelles réinventées participent à l’attractivité de Nantes, elles posent la question de leur rôle dans une ville inclusive. Peuvent-elles répondre aux attentes d’un public varié, ou risquent-elles de devenir l’apanage de quelques privilégiés ?
Cette tension entre exclusivité et accessibilité reflète les défis des reconversions patrimoniales : conjuguer beauté, histoire, et utilité dans une ville en quête d’équilibre entre innovation et justice sociale.
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