Les changements méconnus que la loi Pinel a apporté au bail commercial

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Avatar de l'auteur "Hervé KOFFEL" Hervé Koffel

le 05 juin 2024

[ mis à jour le 07 juin 2024 ]

SOMMAIRE

Entrée en vigueur le 18 juin 2014, la loi Pinel est aujourd’hui réputée pour être le dispositif de défiscalisation préféré des Français. Lancée dans le but de stimuler l’investissement locatif dans le neuf tout en développement l’offre de logements neufs abordables en location pour les foyers intermédiaires et modestes, la loi Pinel a également un volet méconnu pour les baux commerciaux.

Cette partie de la législation a été intégrée dans le but d’équilibrer les relations entre propriétaires et locataires de locaux commerciaux, tout en facilitant l'implantation de nouveaux commerces. La Loi Pinel introduit plusieurs modifications notables concernant la répartition des charges et des travaux, la durée des baux, les modalités de révision des loyers, ainsi que de nouvelles obligations comme l'état des lieux et le droit de préemption pour les locataires.

Retour sur les principaux changements apportés par cette loi et leurs implications pratiques pour les acteurs du secteur immobilier commercial.

Les modifications clés apportées par la loi Pinel pour un bail commercial

Répartition des charges et des travaux

L'une des modifications les plus importantes de la Loi Pinel concerne la répartition des charges et des travaux entre le bailleur et le locataire. Avant cette loi, il n'était pas obligatoire de spécifier dans le bail la répartition des charges et des travaux, ce qui pouvait mener à des abus ou à des malentendus. Désormais, la loi impose aux bailleurs de fournir un inventaire détaillé et précis des charges et travaux dès la signature du bail commercial.

Cet inventaire doit inclure toutes les charges supportées par le locataire, telles que les impôts, les taxes et les redevances. Il est également nécessaire de fournir un état récapitulatif des travaux réalisés au cours des trois dernières années ainsi qu’un budget prévisionnel des travaux à venir pour les trois prochaines années. Les gros travaux, comme ceux liés à la vétusté ou à la mise en conformité prescrite par l'administration, demeurent à la charge du bailleur. Cette mesure garantit une plus grande transparence et protège les locataires contre des charges imprévues et excessives.

Durée du bail commercial

La Loi Pinel a également introduit des changements importants concernant la durée des baux commerciaux. Traditionnellement, les baux commerciaux étaient conclus pour une durée minimale de neuf ans, avec des possibilités de résiliation tous les trois ans pour le locataire (d'où l'appellation "baux 3/6/9"). La loi Pinel renforce ce droit en interdisant les baux fermes qui empêchaient la résiliation triennale. Désormais, à quelques exceptions près, les locataires peuvent mettre fin à leur bail tous les trois ans sans avoir à justifier leur décision.

Les exceptions à cette règle concernent :

Ces modifications offrent aux locataires une plus grande flexibilité pour adapter leurs besoins commerciaux à l’évolution de leur activité.

loi pinel bail commercial – une poignée de main
©Yuganov Konstantin

Révision et renouvellement du loyer

La révision des loyers est un autre point adressé par la Loi Pinel. La loi permet une révision triennale des loyers afin qu’ils restent en adéquation avec la valeur locative du bien. Cette valeur locative est déterminée par plusieurs critères, notamment la surface et les caractéristiques du bien, son emplacement, la destination des locaux, et les loyers pratiqués dans le voisinage.

La loi introduit également un plafonnement de la hausse des loyers, à ne pas confondre avec les plafonds de loyer du dispositif Pinel, qui ne peut dépasser 10 % du loyer de l’année précédente, même en cas de renouvellement du bail. Pour calculer cette révision, les indices de référence utilisés sont l'indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales, artisanales et industrielles, et l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les autres activités. Cela évite les augmentations soudaines et démesurées des loyers, assurant ainsi une certaine stabilité pour les entreprises locataires.

Les nouvelles obligations introduites avec la loi Pinel pour les baux commerciaux

L’état des lieux

L'une des obligations instaurées par la Loi Pinel est la réalisation d'un état des lieux systématique à l'entrée et à la sortie du locataire. Cela peut paraître étonnant, mais avant cette loi, cette démarche était facultative, ce qui pouvait entraîner des litiges entre bailleurs et locataires concernant l'état des locaux et les responsabilités respectives en matière de réparations.

L'état des lieux doit être réalisé de manière contradictoire, c'est-à-dire en présence des deux parties, ou par un huissier de justice en cas de désaccord. En l'absence d'un état des lieux, le bailleur ne peut pas demander au locataire de restituer les locaux en bon état, ce qui complique évidemment la répartition des responsabilités pour les réparations nécessaires.

Le droit de préemption

La Loi Pinel a également introduit le droit de préemption au profit du locataire commercial. Ce droit, auparavant inexistant, permet au locataire de se porter acquéreur du local commercial en cas de vente par le propriétaire, et ce, en priorité sur tout autre acheteur. Le bailleur doit informer le locataire de son intention de vendre le bien par lettre recommandée avec avis de réception ou par remise en main propre contre récépissé. Cette notification doit inclure le prix de vente et les conditions de la transaction.

Le locataire dispose alors d'un délai d'un mois pour faire part de sa décision. S'il ne répond pas dans ce délai, le bailleur peut vendre le bien à un tiers. Toutefois, si une offre plus avantageuse est faite à un tiers après la notification initiale, le locataire doit en être informé et dispose à nouveau d'un mois pour se positionner sur cette nouvelle offre. À noter que ce droit de préemption ne s'applique pas dans certaines situations, comme la vente globale d'un immeuble ou la vente à un ascendant, descendant, ou conjoint du bailleur.

loi pinel bail commercial – une personne tamponne un document
Wasaphol Premprim

La simplification des procédures de congé

Notification de congé

Avant l'introduction de la Loi Pinel, la procédure de congé était strictement encadrée et nécessitait une notification par acte d'huissier. La Loi Pinel a simplifié cette procédure en permettant désormais aux bailleurs et aux locataires de donner congé par lettre recommandée avec accusé de réception. La procédure de congé devient ainsi plus accessible et moins coûteuse pour les deux parties. Cependant, pour la demande de renouvellement du bail et la réponse du bailleur à cette demande, la signification par acte d'huissier reste obligatoire.

Congé triennal

La loi Pinel confirme et renforce la possibilité pour le locataire de résilier le bail à l’issue de chaque période triennale (3/6/9 ans). Le locataire peut ainsi mettre fin au bail sans avoir à justifier sa décision, sauf dans certains cas particuliers mentionnés plus haut (baux fermes conclus pour une durée supérieure à neuf ans, locaux monovalents, etc.).

Cette résiliation doit être notifiée au bailleur au moins six mois avant la fin de la période triennale en cours. Cette flexibilité permet aux locataires de s'adapter plus facilement à l'évolution de leurs activités commerciales.

Indemnité d’éviction

Si le bailleur décide de mettre fin au bail en dehors des périodes triennales, il doit bien entendu verser au locataire une indemnité d'éviction pour compenser le préjudice subi par ce dernier. Cette indemnité existe pour couvrir les frais de déménagement, de réinstallation et les éventuelles pertes subies par le locataire en raison de la résiliation du bail.

Les aspects spécifiques du bail commercial de courte durée avec la loi Pinel

Une durée maximale rallongée

Avant l'entrée en vigueur de la Loi Pinel, les baux dérogatoires, également appelés baux précaires, ne pouvaient excéder une durée de 24 mois. La Loi Pinel a prolongé cette durée maximale à 36 mois, offrant ainsi plus de flexibilité tant pour les bailleurs que pour les locataires.

Une prolongation “gagnant-gagnant” qui permet aux locataires de tester un emplacement ou une activité sur une période plus longue sans s'engager dans un bail commercial classique de neuf ans.

Conditions de transformation

À la fin du bail dérogatoire, le locataire est tenu de quitter les lieux sauf si un nouveau bail est convenu avec le bailleur. Si le locataire reste dans les locaux au-delà de la durée du bail dérogatoire sans accord formel, le bail peut être automatiquement requalifié en bail commercial de neuf ans. Cette règle protège ainsi les droits du locataire et évite des situations d'incertitude juridique.

Perte de l’indemnité d’éviction

Contrairement aux baux commerciaux classiques, les locataires de baux dérogatoires ne bénéficient pas du droit à une indemnité d'éviction en cas de congé donné par le bailleur. En gros, le bailleur peut décider de ne pas renouveler le bail à son terme sans être obligé de compenser le locataire pour son départ. Cette disposition encourage les bailleurs à proposer des baux de courte durée sans les contraintes des baux commerciaux traditionnels.

Avantages et risques

Le bail de courte durée présente plusieurs avantages pour les deux parties. Pour les locataires, il permet de tester un marché ou un emplacement sans un engagement à long terme. Pour les bailleurs, il offre la possibilité de louer leurs locaux plus rapidement et de sélectionner des locataires potentiels avant de s'engager sur un bail plus long.

D'un autre côté, les locataires doivent être conscients qu'ils ne bénéficient pas des mêmes protections qu'un bail commercial classique, notamment en termes de renouvellement et de compensation en cas de non-renouvellement. Les bailleurs, quant à eux, doivent être prêts à accepter une rotation plus fréquente des locataires, ce qui peut entraîner des périodes de vacance locative plus nombreuses.

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