L'aéroport de la polémique qui dope l'attractivité de Nantes

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le 25 janvier 2019

[ mis à jour le 03 juin 2021 ]

SOMMAIRE

©Aéroport Nantes Atlantique

C’est un anniversaire un peu spécial qui s’est « fêté » à Nantes en cette mi-janvier. Alors que sur l’ex-ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les habitants ont fait de cette date un jour férié et célébré autour de banquets, orchestres et feux d’artifice leur victoire de l’an passé, les riverains de l’aéroport Nantes-Atlantique, excédés par le bruit et les dédommagements qui tardent, ont formé un cortège endeuillé pour dénoncer le déni de démocratie qu’ils voient dans l’abandon du projet de transfert.

A l’heure où l’aéroport nantais passe un cap symbolique de fréquentation, les travaux d’agrandissement tardent à démarrer, et les indemnisations promises aux riverains concernés par les nuisances aériennes par le Premier Ministre en juillet dernier se font attendre. Dans un tel contexte, la tension ne peut que continuer de monter autour de ce dossier. Et alors que les comités citoyens demandant de réenvisager un transfert sont maintenant au nombre de trois, le nouveau préfet de Région et de Loire-Atlantique, Claude d’Harcourt, investi le 7 novembre dernier, s’est montré d’ores et déjà bien moins prompt à la discussion que sa prédécesseure Nicole Klein.

Alors, nouveau projet de transfert ? Consolidation de l’appui sur l’aéroport de Rennes en renfort au nantais saturé ? La concertation annoncée pour mars-avril par l’État sur ce sujet a, de fait, déjà commencé.

La fréquentation passe la barre des 6 millions

L’aéroport de Nantes remporte en 2018 la palme de la plus forte croissance des grands aéroports français : +13 %, selon le dernier bilan du concessionnaire Vinci Airports. Totalisant une fréquentation de 6.199.181 passagers sur cette dernière année, Nantes-Atlantique passe désormais le cap des 6 millions de voyageurs. Alors qu’il passait en 2017 le cap de 5 millions, il est à prévoir que cette tendance haussière se poursuive, voire s’amplifie, sur les années à venir.

Un cap est donc franchi. Dans ses prévisions, la Direction générale de l'aviation civile n’avait pas planifié que l’aéroport atteigne de tels chiffres avant 2025. L’heure est donc maintenant au bilan, et à l’ouverture de perspectives nouvelles pour assumer pleinement et sainement cette croissance.

Les vols vers l’Europe en tête

La croissance de Nantes-Atlantique a été « portée par l’ouverture de 14 nouvelles lignes » en 2018 vers des destinations comme Tel-Aviv ou Séville, c’est ce qu’a expliqué Vinci dans son bilan. Une fois n’est pas coutume, il semblerait que ce soit les offres de vols low-cost qui contribuent à tirer la croissance.

Les vols internationaux ne représentent que 8% du trafic global, mais si l’on se concentre sur les vols vers l’Europe, ont atteint la plus forte proportion de trafic de l’aéroport nantais, à savoir 49 % du trafic global. Les vols nationaux en représentent quant à eux 43 %.

Au moins 20 nouvelles lignes ouvertes en 2019

Alors que 14 nouvelles lignes ont ouvert au départ de Nantes-Atlantique en 2018, sur la seule année 2019 ce sont au moins 20 nouvelles lignes qui doivent ouvrir, la plupart exploitée par des compagnies à bas coûts.

Easyjet, 2e compagnie la plus importante de l’aéroport de Nantes après Air France, compte bien poursuivre cette année son développement. La société a annoncé le lancement de 8 nouvelles lignes à partir du 31 mars, qui permettront de rallier Bastia, Bilbao, Copenhague, Rome, Grenade, Tenerife, Marrakech et Dubrovnik.

Cette création de lignes portera à 21 le nombre total de lignes Easyjet à Nantes-Atlantique. Un tel poids et une telle croissance annoncée n’ont rien d’un hasard, puisque la compagnie a annoncé en septembre dernier qu’elle avait pour projet d’ouvrir une base à Nantes au printemps. Dans les faits, ce sont trois de ses Airbus A320 qui auront droit de stationnement sur la base. Et cela devrait entraîner la création d’une centaine d’emplois locaux directs (pilotes, hôtesses de l’air, stewards).

© Vinci Airports

Le réaménagement de Nantes-Atlantique : 6 ans et 500 M€ de travaux

En même temps qu’il avait acté l’abandon du projet de transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, Le Premier Ministre Edouard Philippe avait annoncé il y a un an le plan de réaménagement de Nantes-Atlantique :

« Dans un premier temps, l’aéroport de Nantes-Atlantique sera modernisé et les abords de pistes aménagés pour permettre à l’aéroport d’accueillir plus de passagers. En parallèle, la procédure pour l’allongement de la piste sera engagée, elle permettra de réduire les nuisances sonores à Nantes. »
Edouard Philippe, Premier Ministre, lors de l’annonce de l’abandon du projet à Notre-Dames-des-Landes le 17 janvier 2018

Depuis, l’État a estimé le programme de travaux nécessaires à entreprendre à 500M€. Ils seront supportés par le futur concessionnaire, dont la désignation devrait intervenir en 2021, selon Claude d’Harcourt, le préfet de Région et de Loire-Atlantique, qui a également précisé : « L’achèvement du chantier est espéré à la fin 2025 ».

« Le dossier de réaménagement et d’extension de l’aéroport de Nantes Atlantique est sur de bons rails.
Le top départ du projet est déjà donné. »
Claude d’Harcourt, préfet de Région et de Loire-Atlantique, dans un article de Le Maine Libre du 18 janvier 2019

C’est la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante, qui aura en charge d’orchestrer la concertation publique qui doit se tenir au printemps sur le sujet. L'objectif de l’opération, tel qu’il est synthétisé par la CNDP, se résume ainsi :
« Développer un aéroport à 9 millions de passagers avec un potentiel d’agrandissement à 15 millions de passagers ».

L’État lance une concertation préalable et gonfle son fonds de compensation

Avec 6,2 millions de passagers accueillis en 2018, le postulat est celui d’une nécessité d’augmentation de la capacité d’accueil à 9 millions de passagers minimum. L’aéroport Nantes-Atlantique, qui n’avait bénéficié que d’un investissement minimal dans sa rénovation (puisqu’il devait déménager), va donc devoir revoir son aménagement en grand.

Des travaux ambitieux

Les travaux devront concerner, a minima :

L’État sait déjà qu’il sera difficile de mettre d’accord les différentes instances concernées (riverains, communes, acteurs économiques…), et c’est pourquoi il a décidé une « concertation publique préalable » en amont des contestations. Cette concertation devra durer deux mois, et portera sur « l’extension et le réaménagement » de Nantes-Atlantique. « Nous faisons en sorte que ce débat puisse s’engager en mars-avril », indique le préfet de Loire-Atlantique, Claude d’Harcourt. C’est la Commission nationale du débat public (CNDP) qui sera chargée de l’animer.

« Les intérêts des uns ne sont pas ceux des autres. Mais il faudra que l’intérêt général prime. »
Claude d’Harcourt, préfet de Région et de Loire-Atlantique
© Olivier Quentin

Indemnisation et compensation des nuisances aériennes pour les riverains

En parallèle, un nouveau périmètre de plan de gêne sonore va permettre aux riverains de demander des indemnisations de l’État pour réaliser des travaux d’insonorisation. Une première version de ce plan avait été retoquée par les communes riveraines de l’aéroport à qui il avait été présenté. La nouvelle version vient de leur être communiquée.

Comme il a été annoncé par le Premier ministre en juillet dernier, les riverains et les collectivités particulièrement exposés aux nuisances aériennes vont également avoir droit à une compensation financière. L’enveloppe se porte pour le moment à 20 millions d’euros, mais l’État continue de travailler à l’augmentation du budget de ce fonds de compensation.

« L’objectif c’est que les indemnisations soient justes et équitables. Mais nous avons conscience que ce montant ne suffira probablement pas à couvrir les dépenses engagées »
Claude d’Harcourt, préfet de Région et de Loire-Atlantique

Les riverains, très concernés par le dossier

Depuis l’abandon du projet de transfert à Notre-Dame-des-Landes, ce sont les riverains de Nantes-Atlantique qui ont pris le relai dans la lutte. Déçus que l’État ait plié sur ce dossier, alors qu’ils s’étaient prononcés pour le déménagement de l’aéroport quand ils avaient été consultés en référendum sur ce sujet en 2016, les riverains et les associations qui portent leur voix veulent alerter sur la « gabegie financière » que représente l’agrandissement.

« Les 500 millions d'euros dont on parle ne concernent que la plateforme. A cela, il faut ajouter les 425 millions d’indemnisation au concessionnaire, le fonds pour la population… On dépassera le milliard d’euros, et ce sera aux citoyens de payer. »
Dominique Boschet, président de l’Acsan (association contre le survol)

Ils sont également nombreux à relever les insuffisances du plan de gêne sonore présenté, et à s’impliquer dans sa redéfinition.

« On estime à 100 millions l’enveloppe nécessaire au dédommagement des riverains et au déménagement des établissements scolaires. Aujourd’hui, 60.000 habitants sont concernés. Lorsque l’on atteindra 9 millions de passagers, d’ici quelques années, ils seront 80.000 ! Le plan de gêne sonore actuel nie cette réalité. » Joël Sauvaget, le président du Coceta, le collectif des citoyens exposés au trafic aérien
© L. Venance/ AFP

« L’aéroport ne pourra pas rester sur ce site enclavé »

Quelques-uns vont plus loin encore, et demandent que soit rouverte l’hypothèse d’un transfert. C’est le cas du collectif de riverains Coceta, le collectif des citoyens exposés au trafic aérien, soutenu par plusieurs élus du Sud-Loire : selon lui, le transfert de l’aéroport est la « seule solution pour véritablement protéger la population dans un secteur urbain aussi dense ».

C’est également le point de vue de l’association Des Ailes pour l'Ouest (créée en 2002 au moment du débat public sur le transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre Dame des Landes). Pour son président Guillaume Dalmard, « l’État est au pied du mur et sait parfaitement bien que l’aéroport ne pourra pas rester sur ce site enclavé ».

« L’État ne peut s’affranchir d’une alternative au site actuel dans le cadre de la concertation publique »

En priorité, les différents collectifs réclament que l’hypothèse du transfert fasse partie des possibilités soumises à la concertation publique.

« L’État ne peut s’affranchir d’une alternative au site actuel dans le cadre de la concertation publique qui s’annonce début 2019. Le transfert de l’aéroport doit être remis sur la table. »
Guillaume Dalmard, président de l’association Des Ailes pour l'Ouest

Un rassemblement « en commémoration du déni de démocratie du 17 janvier dernier »

C’est donc en ce mois de janvier 2019, un an après l’abandon du projet de transfert à Notre-Dame des Landes, que les trois associations Acsan, Coceta et Des ailes pour l’Ouest ont voulu manifester leur inquiétude, et confirmer que les Nantais avaient leur mot à dire sur ce sujet.

« L’État doit protéger les populations. Même si cela prend quinze ans de plus, il faudra bien transférer un jour l’aéroport de Nantes-Atlantique. Dans quelle commune ? Ce n’est pas à nous de décider. »
Porte-parole des associations Acsan, Coceta et Des ailes pour l’Ouest

La double posture de la préfecture de Loire-Atlantique sur le transfert

Même la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, s’était montrée dubitative quant au maintien à long terme de l’aéroport de Nantes sur son site actuel.

« Nantes-Atlantique est un dossier très difficile. (…)Je ne dis pas qu’il n’y aura jamais de transfert.
Peut-être qu’un jour, dans dix, vingt ou trente ans quelqu’un dira qu’il faut transférer. Mais le Premier ministre a été très clair, ce ne sera pas à Notre-Dame-des-Landes où la vocation agricole est réaffirmée. » Nicole Klein, alors préfète de Région et de Loire-Atlantique, interrogée par Ouest-France le 06.11.2018 sur ce sujet

Pour son successeur en revanche, entré en fonction le 7 novembre 2018, la question du transfert de l’aéroport restera exclue du débat :

« On ne fait pas un investissement de 500 M€ pour déménager 15 ans après.
Le réaménagement de Nantes Atlantique est un choix ferme et définitif, il n’y a aucune ambiguïté. Les leçons du passé sont tirées, l’État est déterminé à mener à bien ce projet. »
Claude d’Harcourt, préfet de Région et de Loire-Atlantique
©Wikimedia Commons

L’aéroport de Rennes : le grand gagnant de l’abandon du projet à Notre-Dame-des-Landes ?

En attendant l’issue de ce nouveau débat qui se promet encore une fois très tendu, l’Aéroport de Rennes profite de la saturation de celui de Nantes, situé à 120 km, pour voir sa fréquentation augmenter dans des proportions considérables.

Longtemps sous-utilisé, avec un nombre de passagers annuel plafonné à 450.000 il y a encore 5 ans, l’aéroport Rennes Saint-Jacques connaît depuis une croissance continue. Alors qu’en 2017, 725.000 voyageurs sont passés par Rennes, soit presque 100.000 de plus qu’en 2016, le trafic a continué sa tendance à la hausse en 2018, enregistrant une progression de +31% sur le réseau national.

« L'aéroport de Rennes se développe énormément, c'est indispensable, notamment en raison de la saturation de Nantes. »
Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne lors de ses vœux à la presse début janvier

Jamais vraiment inclus dans la réflexion sur le dossier du transfert de l’aéroport nantais, l’aéroport de Rennes Saint-Jacques pourrait finalement être le grand gagnant de l’abandon du projet à Notre-Dame-des-Landes, puisqu’il trouve pour ainsi dire une nouvelle fonction de désengorgement de Nantes-Atlantique. Une situation dont il devrait continuer à profiter pour de nombreuses années encore, la résolution de la problématique nantaise ne se présentant pas comme imminente.

Lors de son discours annonçant l’abandon du projet à Notre-Dame-des-Landes, le Premier Ministre Edouard Philippe avait déjà pointé l’opportunité d’un réaménagement de l’aéroport de Rennes.

« Nous accompagnerons le développement de Rennes Saint-Jacques, en commençant par l’agrandissement de l’aérogare de Rennes pour mieux répartir le trafic du Grand Ouest. »
Edouard Philippe, Premier Ministre, lors de l’annonce de l’abandon du projet à Notre-Dames-des-Landes le 17 janvier 2018

L’aéroport Rennes Saint-Jacques est géré à 51 % par la CCI d’Ille-et-Vilaine et à 49 % par Vinci, mais il est propriété de la région. Ce sera donc elle la grande interlocutrice sur cette question du réaménagement des équipements de la plateforme rennaise : « L’État travaillera avec la région Bretagne si elle le souhaite », a d’ailleurs précisé Edouard Philippe.

Si Gérard Lahellec, vice-président de la région Bretagne chargé des transports, avait tiqué sur l’annonce du Premier Ministre, c’était pour mieux souligner que des travaux de développement sont d’ores et déjà inscrits dans les priorités régionales. « Nous n’avons pas attendu le Premier ministre pour nous occuper de l’avenir de l’aéroport de Rennes », avait-il réagi.

Et en effet, un resurfaçage de la piste d’atterrissage d’un coût de 4M€ est prévu pour cette année, de même qu’un agrandissement des parkings, arrivés à saturation. Pour cette extension des parkings, notamment, la région Bretagne tente d'acquérir des terrains attenants à l'aéroport. Il reste à espérer que ces terrains, propriétés des Ministères de l'Intérieur et de la Défense, soient cédés par l’État dans des conditions favorables, qui viennent donc confirmer les engagements du Premier Ministre à ce sujet.

Sources :

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